Christine Larivière
La part de l'âme


"Croyant faire une bonne chose, un peintre un jour fit mon portrait. Mais, ne voyant rien de mon être, il ne peignit que l'estérieur". Ce qu'exprime cette chanson chilienne*, tocuhe à quelque chose d'essentiel. Le regard qui s'y glisse résume ce que l'on attend d'un artiste. Et quand, de la surface plane, il décide de passer au volume, l'affaire prend une toute autre dimension encore. Une œuvre d'art n'est pas un relevé topographique. On espère d'elle une vérité qui trancende les apparences, une émotion que la ressemblance ne peut suffire à provoquer. Il y faut une valeur ajoutée : une âme, une vibration dont la teneur relève de la vie même. Aucune œuvre authentique n'existe sans cette nécessité.

Ayant découvert la sculpture à l'âge de la maturité - elle avait alors trente-trois ans - Christine LARIVIERE semble avoir mis les bouchées doubles pour se rattraper, comme elle le dit, le temps perdu. Quelques années lui auront finalement suffi pour accomplir ce tour de force. Cela paraît à peine croyable quand on découvre ses travaux. C'est cependant en pure autodidacte qu'elle aborda ce rude métier, mais la discipline même qu'elle s'impose depuis le début n'eût sans doute pas suffi sans un sens inné de la matière et une parfaite compréhension de ce qu'elle est : une femme dont la vocation est de transmettre et d'enchanter la vie.

"Au début, du fait d'avoir commencé tard, je ne me sentais pas très légitime, confesse-t-elle. Et puis, au fil du temps, j'ai compris que la technique n'étais pas le plus difficile. Il suffit de travail et d'efforts pour la dominer. La grande épreuve, en revanche, c'est de trouver sa vérité, l'essence même de son propre langage. Au cours des huit dernières années, mon seul apprentissage fut de fréquenter les musées et de puiser dans les livres consacrés aux plus grands." Christine LARIVIERE a eu raison de se tourner vers les maîtres. Elle avait assez de carrure pour se soumettre avec profit à leur leçon.

La manière dont chaque artiste élit son matériau de prédilection ne relève jamais du hasard, dût-il être persuadé du contraire. Ce choix même en dit long sur son tempérament et ses motivations profondes. Christine LARIVIERE aime la sensualité de la terre, cette substance dusctile et malléable d'où fut, nous dit la Bible, tiré le couple primordial. Si l'Homme fut conçu à l'image de Dieu, c'est de son souffle seul qu'il s'anima, autrement dit reçut de lui une âme et, avec elle, le don de s'élever au-dessus de l'ornière du temps.

Dans le silence feutré de son atelier, Christina LARIVIERE se retrouve chaque jour face à face avec elle-même. C'est de ses propres émotions qu'a pu jaillir la vérité propre à chacun de ses sujets. Les visage, peu à peu, ont laissé place au corps entier pour magnifier la vie equi le met en mouvement. Partant d'images muettes - quelques clichés photographiques en noir et blanc - l'artiste leur communique la densité, l'élan et le relief d'une existence chargée d'épreuves et de désirs, de doutes et d'interrogations, de mémoire et de rêves secrets. Les personnages qu'elle met ainsi au monde s'illuminent de l'intérieur, enrichis d'une présence qui les rend si humains, si profonds, si proches. Leur puissance exprissive leur tient lieu de pesanteur. Ils en deviennent presque réels. Les arrachant à leur gangue informe, au magma primitif et chaotique du monde, Christine LARIVIERE leur insuffle une énergie bouleversante, impression qui, dans ses œuvres les plus récentes, s'affirme d'une manière quasi prométhéenne. C'est à cette énergie farouche, convulsive et rebelle qu'elle devra désormais puiser. Sa personnalité commande qu'elle fasse fi de toute entrave. Elle a certes les moyens d'assumer une telle liberté.

* Chanson composée et interprétée par Atahualpa Yupanqui

Luis Porquet, écrivain, critique d'art, décembre 2009

» Lire la critique de André Ruellan
» Lire la critique de Richard Kemerey (english)


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